Flibuste et Trésors

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Flibuste, piraterie et trésors archéologiques sous-marins

Jean-Pierre MOREAU

Flibuste

I - Introduction et définitions

II - Anatomie d’une opération de course

III - La flibuste française du XVIème au XVIIème siècle

IV - Bilan de la Flibuste

Bibliographie succincte



III - La flibuste française du XVIème au XVIIème siècle

Après la découverte de ce qui deviendra l'Amérique par Christophe Colomb en 1492 et le futur Brésil par Alvarez Cabral en 1500, les Français, refusant le partage du monde décidé par les Ibériques (traité de Tordésillas) avec la bénédiction papale (bulle inter coetera 1493), sont bientôt sur leurs traces.

En décembre 1503, janvier 1504 Paulmier de Goneville de Honfleur atterrit par fortune de mer au niveau de la future cité de Sao francisco do sul. A partir de cette date et sans discontinuité les Français vont armer vers le Nouveau Monde. Perpétuant ainsi une vieille tradition de course largement répandue dans les eaux européennes, très stimulée par les premières riches cargaisons en provenance d'Amérique.


C'est essentiellement à partir des ports du ponant (façade occidentale de la France) que vont partir les bâtiments à destination de l'Amérique tropicale ; des ports de Normandie comme Dieppe, Le Havre, Honfleur, Fécamp… De La Rochelle et d'Olonne et du Pays Basque avec Bayonne et Saint Jean de Luz. A titre d'exemple, rien que du port du Havre de 1571 à 1610, Philippe Barrey archiviste de la ville avait patiemment retrouvé dans les archives notariales l'ampleur du trafic transatlantique : 147 navires pour l'Afrique et le Pérou (synonyme des Antilles à l'époque), 80 pour le Brésil, 81 pour l'Afrique et le Brésil, 7 pour le Brésil et le Pérou, 48 simplement pour le Pérou. Soit en 39 ans un trafic afro-américain de 369 navires, donc une moyenne annuelle de 9 expéditions. A ces chiffres il faudrait additionner tous les armements au départ des autres ports français, l'on aboutirait à des chiffres stupéfiants.

Une partie seulement de ces navires viennent se livrer à la course, certains viennent cueillir des produits tropicaux (bois de teinture) ou les échanger en troc avec les indigènes ou par interlope avec les colons espagnols (métaux précieux, cuirs, sucre…).


Mais le pourcentage augmentait rapidement quand les deux couronnes étaient en guerre ce qui fut quasiment le cas une grande partie du XVIème siècle, de même que la montée en France du protestantisme et la nomination au poste d’amiral de Coligny, chef du parti protestant, avec pour ambition la conquête de la Floride pour couper les " veines du roi catholique " en entravant la " carrera de las Indias " (ce flux d'hommes et d'argent entre Séville et l'Amérique pendant 3 siècles ),qui finançait la machine de guerre espagnole en Europe. Et enfin par la signature du traité de Cateau-Cambresis en 1559 qui, par une clause orale stipulait que quelle que soit la situation en Europe guerre ou paix, c'était la loi du plus fort qui primait sur mer au delà des " lignes d’amitié ", c'est-à-dire à l'ouest des Açores et du Cap Vert.

Après Paulmier de Goneville on enregistre les premières hostilités entre Français et Portugais dès 1504 si l'on en croit un manuscrit anonyme portugais de 1583. A partir de cette date, les Français continuent d'armer pour le Brésil tout au long du XVIème siècle. On peut supposer que la route de retour passait souvent par les Antilles, mais nous n'en avons aucune attestation avant 1513, date à laquelle ordre est donné à la Casa de la Contratacion (organisme qui gérait la Carrera de las Indias) d’envoyer deux caravelles pour surveiller les côtes de Cuba et y protéger la navigation. En 1514, les instructions données au nouveau gouverneur de Panama recommandent d'attaquer et de châtier les français qu'il rencontrera dans les Indes. En 1520 a lieu la première attaque de la ville de santo Domingo. En 1528, Diego Ingenios, portugais mais au service de La Rochelle, a recours à la force pour s'imposer lors d’un passage par les Iles Perlières. A partir de cette date, les français viendront en nombre chercher fortune les armes à la main. Comme au Brésil, les gouverneurs se plaindront de la présence des " cosarios " ou " piratas " français dans la mer des Antilles.

Il faut dire que la multitude des îles et le dessin des côtes offraient des lieux de retraite innombrables, que le régime des vents et des courants dans la mer des Antilles amenaient les riches flottes espagnoles à suivre des routes maritimes quasiment immuables qui facilitaient ainsi les agressions. A partir de 1529 et jusqu'en 1550 sur Porto Rico, Saint Domingue, Cuba et Terre Ferme (Panama et Colombie actuels), les principales villes seront prises et mises à sac au moins une fois.

Dans la deuxième partie du XVIème siècle les Français : François Leclerc dit " jambe de bois ", Jacques de Sores ou Jean Bontemps pour citer les plus connus, ne seront plus les seuls à venir courir sus aux Espagnols. Les Anglais avec Drake et Hawkins partent à leur tour avec de véritables armadas de plus d'un millier d'hommes à la conquête des positions espagnoles. Les Hollandais feront leur apparition après la libération des Provinces Unies en 1579. Si les formes d'actions restent identiques : attaques de cités, capture en priorité de bâtiments faisant le commerce d'Inde en Inde (commerce local entre les différentes parties des Indes occidentales), on constate le développement de l'interlope avec certaines parties de la mer des Antilles de plus en plus laissées pour compte à la suite du glissement progressif du centre d'intérêt des Espagnols vers l'ouest, Mexique et Pérou.

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