Flibuste et Trésors

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Flibuste, piraterie et trésors archéologiques sous-marins

Jean-Pierre MOREAU

Flibuste

I - Introduction et définitions

II - Anatomie d’une opération de course

III - La flibuste française du XVIème au XVIIème siècle

IV - Bilan de la Flibuste

Bibliographie succincte



I - Introduction et définitions

La mer fut longtemps considérée comme un espace libre où s'exerçait le droit du plus fort. Chaque puissance maritime hégémonique de l'époque (grecque puis romaine en occident par exemple) tentera d'y imposer ses propres règles de droit. Aussi apparaît très tôt la notion de " pirate ", " pirata " en latin. Est pirate celui qui ne respecte pas le droit sur mer et pille indifféremment tout navire à sa portée, qu'il soit ou non de son propre royaume. En bref un pirate est un brigand sur mer.

Au moyen âge, dans la péninsule italienne apparaît la notion de " corsaire ", en italien " corsaro ". Comme le pirate le corsaire pille des navires, mais exclusivement ceux des ennemis de son prince, de son royaume, de sa nation. En temps de guerre, c'est la situation la plus classique, mais également en temps de paix pour se venger d'un préjudice subi du fait d'un particulier appartenant à une autre nation – en quelque sorte une justice privée utilisée comme palliatif pour compenser les carences de la justice internationale à l'époque.

Notre " flibustier " n'est autre qu'un corsaire puisqu'il est doté d'une commission pour faire des prises sur l'ennemi, mais qui opère à partir de la mer des Antilles.

Le terme " flibustier ", que l'on a longtemps cru issu du hollandais " vrijbuyter ", " libre butin ", proviendrait plutôt de l'anglais " flibutor " et " freebetter " qui sont antérieurs, si l'on en croit les travaux de Raymond Arveiller (Contribution à l'étude des termes de voyages en français 1505-1722, Paris, 1963, pp. 231/233). En français, il apparaît d’abord sous la forme de " fribuste " dans la " Relation du voyage de Daniel Le Hirbec de Laval aux Antilles, Pays Bas et Italie 1642/1644 ". Sous sa forme définitive, il n'apparaît pas avant 1680. La première édition du livre du "Chirurgien de la flibuste ", Olivier Oexmelin, qui deviendra en 1680 un best-seller sans cesse réédité, parle d' " aventuriers " et non pas de " flibustiers " :

"Histoire des avanturiers qui se sont signalez dans les Indes... ".

II - Anatomie d’une opération de course



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Un capitaine flibustier est un entrepreneur privé qui doit obtenir dans un premier temps d'une autorité publique la délivrance d'une commission d'armer en course ; en général c'est l'Amiral de France qui la délivre contre un dixième de la valeur des prises au retour. Dans la deuxième partie du XVIIème siècle, l'autorisation était donnée par les gouverneurs antillais (de l'île de la Tortue ou de la Martinique par exemple), mais cela n'ira pas sans contentieux avec l'Amiral de France qui continuera à réclamer son dixième.


" Charles Fleury capitaine de mer, ayant fait plusieurs voyages aux Indes et ayant remarqué au Brésil qu'il y avait moyen d'y acquérir du bien et de l'honneur, forma dessein d'y faire un voyage et le publia après en avoir obtenu le congé de M. l'Amiral de France "  1 

Après l'autorisation, il faut réunir des capitaux et des compétences. Devant notaire il était rédigé un contrat ou charte partie entre les " bourgeois " qui fournissaient le bâtiment, les " victuailleurs " l'armement (en particulier les canons, mais pas seulement, également tous les apparaux permettant au bâtiment d'être opérationnel) et les " principaux " de l'équipage le reste (en particulier l'avance consentie à l'équipage et la cargaison pour troquer avec les indigènes pour obtenir des vivres frais par exemple). On retrouve ainsi aux Archives départementales de Seine Maritime des contrats notariaux de ce type. Malheureusement, pour la deuxième partie du XVIIème siècle, si nous savons qu'il y eut des notaires sur la Tortue et autres lieux de la flibuste, tous les papiers antérieurs au XVIIIème siècle ont disparu. Mais l'on peut penser que la procédure pouvait être allégée, les armements pouvant se faire à moindre frais pour plusieurs raisons. Tout d’abord ne traversant pas l'Atlantique les navires pouvaient être de moindre échantillonnage.

Nous savons également par Oexmelin que certains flibustiers montés à bord de simples canots pouvaient s'emparer avec audace et courage de bâtiments plus importants naviguant au commerce et les armer ensuite pour la course. Et par les témoignages conservés dans les archives espagnoles, que les flibustiers engagés pour telle ou telle opération devaient se présenter avec leurs propres armes et payer pour leur ravitaillement.

D'ailleurs, avant toute opération d'importance le capitaine expédiait un ou plusieurs bâtiments faire du ravitaillement. On a l'exemple avant l'attaque de Véra Cruz de bâtiments flibustiers partis sur les côtes de Nouvelle Grenade (Colombie actuelle) se procurer par pillage du bétail et du maïs pour subsister avant et pendant l'opération.

Pour réunir des compétences aux XVIème débuts XVIIème siècle, en dehors du bouche à oreille, l'on peut imaginer un système de crieurs dans les rues ou dans les tavernes pour une population généralement illettrée plutôt qu'un système de placards apposés dans les rues.

" Charles Fleury forma dessein d'y faire un voyage et le publia (…). Beaucoup de gens s'engagèrent à lui pour l'accompagner et le servir de leur courage et de leur industrie. Tellement qu'il eut bientôt ramassé une bonne troupe, qu'il dirigea en 3 bandes, et leur donna rendez-vous à Dieppe ". 2 

Pour les grandes opérations aux Antilles, des estafettes étaient envoyées dans les différents territoires contrôlés par les Français pour annoncer le départ imminent et donner rendez-vous à l'île à Vache au sud de l'actuel Haïti.


1 - Les extraits cités proviennent de mon ouvrage, "Un flibustier français dans la mer des Antilles", mentionné dans la bibliographie. retour au texte
2 - Idem. retour au texte

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